Conjoint d’expat, ça vous tente ?

Attachez vos ceintures, aujourd’hui, ça va décoiffer. On va faire un petit jeu de rôle. J’ai décidé de vous faire vivre le rôle de conjoint d’expat de l’intérieur ! Parce que bon, je sais, il y a des tonnes d’articles déjà écrits sur la question. Mais rien ne vaut une petite mise en situation pour se faire sa propre idée. Imaginez la scène. Vous êtes dans votre salon, un soir de grisaille après le boulot, quand votre moitié vous annonce qu’on lui propose « la méga promotion du siècle dans un pays lointain ». Vous n’en croyez pas vos oreilles. Vous trépignez de joie. L’occasion de changer de vie est enfin à portée de main. Vous vous imaginez déjà, la mine radieuse, annonçant à vos collègues de bureau et votre boss que « vous allez tout plaquer pour vivre la grande aventure ». Oui, c’est certain, vous en êtes convaincu(e), l’expatriation est faite pour vous. Les avantages sont si nombreux : découvrir de nouveaux horizons, booster votre carrière ou changer d’orientation professionnelle, permettre à vos enfants de devenir bilingue, vivre encore plus confortablement, avoir enfin le temps de vous occuper de vous et de votre famille…

La première expatriation

Vous nagez dans le bonheur jusqu’au jour du grand départ. Malgré l’appréhension, vous partez avec enthousiasme, prêt(e) à en découdre avec toutes les difficultés. Sauf que votre voyage ne ressemble pas vraiment à ceux que vous avez faits auparavant. Pour utiliser une image simple, disons que vous ne voyagez ni en avion, ni en voiture, ni en wagon première classe. Vous vous déplacez par voie maritime, sur une « bouée tractée ». Vous voyez de quoi je veux parler ? Vous savez, ce sont ces grosses bouées rigolotes que l’on accroche à l’arrière d’un bateau pour surfer dans les vagues. Vous voici donc au milieu de l’océan Pacifique, dans un endroit paradisiaque. Vous et vos enfants êtes confortablement installés sur votre bouée. Devant vous, se trouve le bateau qui vous tracte. A son bord, deux personnes : votre conjoint, qui joue les copilotes, et son patron qui dirige l’embarcation. Vous visualisez ? Alors continuons. C’est parti pour l’expatriation ! Le bateau à moteur progresse rapidement sur les flots. Les conditions sont idéales. Le soleil est au rendez-vous. Avec persévérance, vous tentez de surfer. Bon bien sûr, l’équilibre est précaire et vous ne maitrisez pas tout. Vous tombez souvent à l’eau, mais le plaisir est là, intense.  Vous batifolez avec bonheur dans les vagues. Jour après jour, vous vous améliorez, vous trouvez vos repères. Au bout d’un an vous vous êtes adapté(e). Votre nouveau lieu de vie n’a plus de secrets pour vous. Entre deux pics de vitesse, vous prenez même le temps de déguster une Margarita, les doigts de pied en éventail. Votre expatriation est une réussite.

La seconde mutation

Tout va pour le mieux jusqu’au jour où arrive la nouvelle que vous redoutiez tant. Votre conjoint vous annonce sa deuxième méga promotion du siècle. « Tu te rends compte, en ces temps de crise, c’est inespéré. Je ne peux pas refuser un job pareil».  Et pas de bol, cette fois-ci on s’éloigne des tropiques.  Bye-bye le Pacifique, direction la mer du Nord. On vous envoie en Écosse. Depuis l’intérieur du hors-bord, bien à l’abri des vagues, c’est franchement tentant. Mais depuis votre bouée tractée, ça fait bien moins envie… Qu’à cela ne tienne, après 3 ans de rêve, vous êtes prêt(e) à quelques concessions.  Vous enfilez sans broncher une jolie combi néoprène (gracieusement offerte par l’entreprise de votre conjoint : ils sont sympa quand même, surtout qu’ils ont mis leur logo pour que ça soit plus corporate) et vous reprenez dignement la mer. Cette fois-ci les vagues sont de la partie. Ça tangue, l’eau est froide mais vous tenez bon. Vous serrez les dents. Vos enfants sont là aussi. Vous vous félicitez de les confronter aux éléments : « ça ne peut pas leur faire de mal de sortir de leur cocon doré ». A force de patience et de bonne volonté, vous domptez les éléments. Vous trouvez un petit boulot de pêcheuse(eur) de cabillaud depuis votre bouée préférée. Vous commencez à apprécier l’eau froide. Entre deux pics de vitesse, vous savourez un sandwich à la panse de brebis farcie. Après tout, avec quelques verres de whisky, tout devient supportable.

Le coup de grâce

Malheureusement votre escapade en mer du Nord n’est que de courte durée. A peine un an après votre arrivée, il vous faut repartir au large. Alors que vous pensiez avoir enfin trouvé vos marques, le bateau qui vous tire prend la tangente. Il place une accélération fulgurante et vous renvoie par surprise à bord de votre bouée tractée. Direction l’Asie. Vous lancez un appel désespéré à votre conjoint pour rester en Écosse, mais rien n’y fait. En tant que copilote, il n’a pas voix au chapitre. En ces temps de crise économique, c’est son boss le conducteur qui décide, et il ne fait pas bon refuser ses directives.  Votre conjoint fait tout pour vous rassurer : « Ne t’inquiète pas ça va aller. Tu t’es tellement bien adapté(e) ailleurs. Ça sera une formalité. Et puis je t’assure, c’est la méga promotion du siècle « . Vous n’avez pas le temps d’ouvrir la bouche que le moteur repart à fond de train. Votre bouée est violemment propulsée sur les flots. Ça va vite, beaucoup trop vite. Vous vous retrouvez à califourchon, un pied en l’air, la tête en vrac, tentant désespérément de retenir vos enfants par l’élastique de leur slip de bain. Bringuebalé(e) à gauche, à droite, vous jouez les essuie-glaces des flots. Vous avez le mal de mer. Vous buvez la tasse. Entre deux pics de vitesse, vous sortez la tête de l’eau, une méduse géante scotchée sur la tête…. D’un coup d’un seul, vous avez envie de crier. De hurler à la face du monde que vous aussi, vous avez le permis bateau. Que vous voulez reprendre les commandes du hors-bord, et enfin décider par vous-même des endroits où vous irez, et du temps que vous y passerez. La frustration vous envahit. Oui, vous aimez l’expatriation. Oui, c’est un enrichissement. Oui, vous êtes privilégié(e) et vous en avez bien conscience. Mais être assis sur une bouée tractée, n’est pas aussi simple qu’il y parait. Avoir une carrière « de suiveur », n’est pas facile à avaler. Comme vous l’avez constaté avec ce petit billet décalé, avoir une méduse sur la tête ça peut finir par énerver, surtout quand le scénario a trop tendance à se répéter…

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